Fernand Lepicard (1878-1942) a eu,
avec Louise Pinel, deux enfants :
- Hélène Lepicard (1905-1989) (qui a épousé René Dieppedalle)
- Robert
Lepicard (1904-1939) (qui a épousé Jeanne Vion)
Les recherches sur la famille
Lepicard remontent jusqu’à l’année 1630. A l’époque, la famille se nommait
Picard. Mais l’origine de ce nom est claire : ces personnes venaient de Picardie pour s’installer dans pays de
Caux (plus près de Rouen) Les gens du Pays de Caux nommaient ces
« étrangers » les Picards. Les parchemins les plus anciens situent la
localisation de cette branche, près d’Yvetot, à Ectot les baons (Normandie,
près d’Yvetot, 30 Km au nord ouest de Rouen).
Du temps de Louis XIV, l’activité
de la famille Picard était agricole avec, en complément, une activité
artisanale textile, tradition très ancienne dans cette région du pays de Caux.
En 1630 naît Jacques Picard qui
aura un fils Nicolas (1654) avec Catherine Houtteville. Nicolas épouse Marie
Vion (étrange homonyme avec Jeanne) et leur fils Michel naît le 13 mars 1686.
En 1684, l’ambassadeur du Siam
(Thaïlande) rend visite à la Cour de Louis XIV.
Les tissus de soie, inconnus en
France et portés par ces émissaires de pays lointains font sensation. Si bien
qu’une demande considérable se fait jour dans toute la France de l’époque. Mais
la soie est rare et chère. Une imitation est réalisée avec un mélange de lin et
de coton. Un nouveau tissus est né : la siamoise.
SIAMOISE
Ces tissus se présentent
sous l’aspect d’une étoffe généralement assez étroite, (environ 94 cm) car le
tisseur à bras (il n’y avait pas encore de métier à tisser) passait la navette
uniquement d’une main à l’autre et ne pouvait tisser une largeur supérieure à
l’espace délimité par ses deux coudes.
La pays de Caux se lance dans la
fabrication de ce tissus, durant les mois de faible activité agricole. En 1723,
sur 25.000 tisserands que l’on dénombre en Normandie, 15.000 sont spécialisés
dans la Siamoise (les siamoisiers).
La vieille halle de Rouen, bâtie
au XIII° siècle par l’Archevêque et abandonnée depuis, est reconstruite en 1743
et nommée Halle Neuve et destinée à la vente de tissus de toutes sortes :
Toiles, mouchoirs de Bolbec, siamoises, Rouennerie (tissus tout coton aux
couleurs les plus variées), etc…
Yerville, 30 Km au Nord de Rouen. On retrouve Michel Picard (I) qui se lance, vers 1750, dans la confection des tissus et devient fabricant Samoisier. Il décède en 1760, à l’âge de 75 ans. Son fils Michel Picard (II) prendra la suite de la fabrique, mais en augmentant la production et organisant la vente. Comme le voulait la tradition locale, il fait travailler femmes et enfants durant les longs mois d’hiver. L’activité se déroule à domicile, donc à temps partiel, sur des métiers à bras. A cette époque, la réglementation du travail commence à prendre corps, notamment pour le travail des enfants et l’impossibilité, pour un patron, d’embaucher un ouvrier qui travaille pour un autre patron. Dans cette seconde moitié du XVIII° siècle, Yerville compte 100 agriculteurs et 300 tisserands. Michel fait la tournée des fabricants, dans les fermes, avec sa charrette à cheval et emporte la marchandise, chaque vendredi, pour la vendre à la Halle aux Toiles de Rouen.
En 1776, au cours d’une de ces
tournées «textile » Michel décède subitement au hameau du Mouchel (Le Mont
rouge sur la route d’Yerville-Pavilly). Il avait 44 ans. Sa veuve Anne de la
Barre doit élever seule ses deux enfants (Louis est âgé de 6 ans et Marie-Anne
de 4 ans), tout en assurant l’activité agricole de la ferme.
Louis, né en 1770, n’est pas
mobilisable lorsque survient la Révolution. Mais les ports du Havre et de Rouen,
débouchés habituels des Siamoises et Rouenneries vers les colonies, sont
bloqués. Il n’y a plus de transports réguliers de Yerville à Rouen. La sécurité
des voyageurs sur les routes et chemins est menacée. Les commandes des
acheteurs ne parviennent plus dans les campagnes. Les Anglais entrent dans la
concurrence.
Louis s’engage alors dans la
flotte révolutionnaire et mène des campagnes militaires. Il y restera jusqu’en
1791. Il a le grade de Sous Lieutenant de la Garde Nationale.
A son retour, la situation locale
est dramatique. Le nombre d’ouvriers tisserands est passé de 246.000 à 86.000.
Louis assiste sa Mère dans les travaux agricoles et devient «laboureur »,
c’est à dire agriculteur.
Sur les actes d’état civil son nom
devient Louis Le Picard. Il épouse en 1799 Anne Le Templier et s’installe à
Ectot l’Auber (à la sortie sud de Yerville) et fait l’acquisition d’une masure
à Yerville.
Puis il reprend le métier de son
Père : Il distribue le travail dans les fermes alentours et fait la
tournée de ramassage pour aller vendre les pièces de tissus à la Halle de
Rouen.
Eugène Noël décrit cette
population de marchands :
« On n’a plus aujourd’hui
idée de ce qu’était cette halle avec ces entassements de toiles aux mille
couleurs. Mais il n’y avait pas seulement l’entassement des tissus. Il y avait
également l’entassement des fabricants venus, pour la plupart, du Pays de Caux.
On les reconnaissait à la rondeur de leur tête, à leur face épanouie, joyeuse
et narquoise, contents d’eux-mêmes, nageant, pêchant et triomphant dans le
gain. La parole était haute, l’éclat de rire sonore. Le mouvement des hommes et
des marchandises était vertigineux. En quelques minutes se faisaient, de l’œil,
du doigt ou de la voix, des marchés considérables… »
Mais la crise économique de 1806
(Blocus continental décrété à Berlin contre l’Angleterre, car les anglais
abusent du droit de blocus) coupe la Normandie de ses approvisionnements
traditionnels en matière première. Les siamoises, rares, atteignent un prix
record en 1814 (2 à 4 Francs le mètre). C’est la crise dans les campagnes.
La chute de napoléon en 1815
débloque la situation économique. L’activité reprend son essor pour atteindre
son apogée en 1847.
Louis s’installe au Mesnil Bourdainville
où il se fait construire une maison. A cet emplacement, son fils se fera bâtir
un château, quelques années plus tard.
Dès 1826, ses fils Michel-Antoine
et Théodule (Grand-Père de Fernand Lepicard et arrière Grand-Père d’Hélène)
reprendront la suite de sa maison de commerce. Bien que la
« siamoise » tissée « à bras » conserve toute son
importance par rapport aux autres productions, la profession devra bientôt
faire face à la mécanisation du tissage (1825-1835). Cette situation amènera
quelques agriculteurs vers les fabriques (usines), attirés par les salaires
supérieurs à celui de tisserand à domicile. Mais en cas de crise, les ouvriers
au chômage ne bénéficieront d’aucune protection sociale et auront perdu leur
revenu agricole de substitution. Ils connaîtront la misère à la première crise
venue.
Le nombre de chaînes apportées aux
travailleurs à domicile diminue considérablement entre 1800 et 1830, passant de
17.000 à 2.500.
La population des
« Tisserands à bras » est descendue de 50.000 en 1820 à 12.000 en
1850.
L’entreprise Lepicard réussira à
prospérer jusqu’à la crise économique de 1929.
1842 reste sans doute l’année de
l’apogée du commerce des tissus, la marchandise faisant défaut, grâce aux
nouveaux marchés coloniaux.
En 1826, Louis ne conserve que
50 % du capital de son entreprise.
En 1829, il est élu Maire du
Mesnil Bourdainville. Et décédera en
1845, âgé de 75 ans, à la tête d’un domaine foncier confortable.
Son fils Théodule demeure 18 rue
Crevier à Rouen. Il y fait commerce de tissus fabriqués dans son usine de
Bourdainville. Théodule succèdera à son Père à la tête de cette Mairie.
Guy dieppedalle
D’après les notes de René
Dieppedalle
Année 2000
Paul Sement. La halle aux Toiles
de Rouen.
En 1842, la fabrication Rouennaise
est réalisée par environ 13.300 métiers à bras, soit une moyenne de 100
ouvriers tisserands employés par maison. C’est probablement l’ordre de grandeur
de l’effectif du personnel à domicile employé par Théodule vers 1840.
A cette époque, le chiffre d’affaires annuel moyen d’un fabricant rouennais est estimé à 140.000 F par an. (d’après l’historien Lecointe).
C. copyright. Guy Dieppedalle. 2003